Une dernière rencontre à l'aéroport de Con Dao
Lever 5h30 ce matin. Nous remontons vers le centre du pays et devons prendre successivement deux vols. Pour pouvoir tout de même profiter de la journée à l’arrivée, il fallait prendre le premier vol à 7h30.
A l’aéroport de Con Dao, nous patientons dans le hall pour embarquer. Deux dames âgées nous proposent de nous asseoir. Nous refusons de prendre leur place, mais une des deux dames va tout de même s’asseoir ailleurs. Au bout de quelques minutes, gagnée par la lourdeur de mon sac à dos, je décide de prendre place à côté de la dame. Elle me demande tout de suite de quelle nationalité je suis... « From ? ». Je lui réponds en vietnamien : « Phap ». Elle répète « français ». « Oui, vous parlez français ? ». « Un petit peu ». « Ah, moi aussi je parle un tout petit peu vietnamien ». Ainsi nous entamons la discussion : elle avec ses quelques mots de français et moi avec mes quelques mots de vietnamien. Je l’interroge sur son séjour ici… Je demande bêtement si elle est venue en vacances. Elle ne comprend pas ce mot. Je reformule en lui demandant combien de temps elle est restée ici. Deux jours. Puis elle me dit : « moi, 11 ans ici ». Elle me montre ses poignets plein de cicatrices. Je comprends qu’elle a passé 11 ans dans la prison de Poulo Condor. Je suis tout de suite submergée par l’émotion. La fatigue sans doute aide bien aussi… J’ai du mal à me contenir. Les images terribles vues au musée et les tas de bouquins biographiques sur la guerre du Vietnam lus ces dernières années me remontent en pleine face. J’arrive finalement à lui demander quand elle a été emprisonnée : de 1964 à 1975. C’était donc pendant la guerre contre les américains. Les français étaient déjà partis depuis 1954. Quelque part, cela me soulage. J’étais déjà suffisamment mal à l’aise de visiter un bagne construit par les français aux côtés de vietnamiens me demandant justement ma nationalité… Alors rencontrer une vieille dame torturée par mes ancêtres encore moins.
Enfin. Il est temps de monter dans l’avion, nos routes se séparent. Nous nous recroisons à la sortie de l’avion et échangeons une chaleureuse poignée de main. Je suis toujours brassée. Je me dis que je lui écrirai, ou que j’essayerai de la revoir lors d’un prochain passage à Saigon… Il y a tellement de questions que j’aurais aimé lui poser et qui me viennent au fur et à mesure…
Cette rencontre me fait réaliser qu’il y a deux types de visiteurs à Con Dao, et même trois. Ceux qui ont été emprisonnés ici, ou leurs enfants, venus en pèlerinage. A ceux là, peu importe la beauté de l’île et de ses plages… Et puis il y a les étrangers, venus justement pour la beauté de cette île. Enfin il y a les autres, les vietnamiens de la jeune génération venus à la fois pour découvrir ce pan de leur histoire, mais aussi pour profiter de la mer, des restaurants de fruits de mer et des sorties entre amis… Ils sont l’avenir du pays de tonton Hô !
Pour nous, il est temps de rejoindre Hoi An, petite ville du centre à l'architecture pittoresque chinoise, japonaise et française classée au patrimoine moindial Unesco. La miraculée car en 30 ans de guerre elle n'a jamais été bombardée.
Un nouveau vol et nous voila à Da Nang. Une voiture nous attend pour parcourir les 30 km restants. Il fait bien plus frisquet ici ! En route, nous nous arrêtons aux montagnes de marbre proche de la ville de Da Nang. Un site mêlant fabriques de statues en marbre, roche dont regorge la région, et différents lieux de pèlerinages bouddhistes nichés sur un piton rocheux.
La visite se voulait zen, mais c’était sans compter sur une nuée d’enfants âgés d’une dizaine d’année en sortie scolaire. Elle fut donc plutôt drôle, alliant de courts échanges avec ces écoliers avides de connaître notre prénom pour les filles, et de poser sur nos photos pour les garçons. Nous rigolons un moment avec eux ! Un peu de légèreté me fait du bien en ce début d'après midi.
Nous arrivons à Hoi An à notre petit hôtel. Je redécouvre alors cette petite bourgade qui n’en est plus vraiment une… Le tourisme qui me semblait déjà pas mal développé la fois précédente a littéralement explosé. Je suis d’abord nostalgique de ce que j’ai connu… Surtout lorsque je me rappelle mon tout premier passage ici… en 1998. Il n’y avait alors que deux ou trois tailleurs près du vieux pont japonais. Aujourd’hui c’est tout un quadrillage d’une dizaine de rues enchaînant boutiques de souvenirs et tailleurs, hôtel, cafés et restaurants. De l’autre côté du pont, sur la rive d’en face de la rivière… Demain je verrai sans doute les complexes qui ont poussé le long de la mer… Je vous dirai cela dans le prochain article.
Enfin la bonne nouvelle dans tout ça, c’est que ma coéquipière Stéphanie, avec son œil neuf, est tout de même charmée par l’endroit et ses anciennes shop-houses. L’autre bonne nouvelle et pas la moindre, c’est qu’aujourd’hui en 2012, les touristes vietnamiens (et ils sont nombreux) et les étrangers fréquentent les mêmes hôtels, mangent dans les mêmes restaurants et achètent dans les mêmes boutiques, ce qui est un phénomène tout à fait récent. Ce qui me paraissait débuter lors de mon dernier passage ici au Vietnam me paraît maintenant flagrant.
Je mettrai quelques photos de Hoi An sur le prochain article. Et je cloture ce billet avec un magnifique adenium... les fleurs qui ont marquées mon tout premier séjour au Vietnam et que j'adore depuis...
